Annexe

L’apport  des grandes religions sur l’au-delà

Pour espérer avoir quelques renseignements complémentaires sur l’au-delà, l’apport venant du côté expérimental étant assez réduit, il est bon d’examiner l’apport venant des grandes religions monothéistes. Seront examinés successivement, celui du judaïsme, celui de l’islam et celui du christianisme.

Le judaïsme
Les Hébreux des temps les plus anciens montraient une vision de l’au-delà aussi pessimiste que celle de leurs voisins mésopotamiens. Pour eux, c’était une région de ténèbres et de tristesse. Le Schéol hébreux est, en effet, presque semblable à l’Aralou babylonien :immense tombe commune, ténébreuse, où végètent des ombres impuissantes, tel ce fantôme de Samuel évoqué dans le premier livre de Samuel (chap. 28, v.14).
Dans le Schéol il n’y a pas de distinction entre bons et méchants, – et pas question de ré­ compense ou d’expiation. La croyance en une survie différente pour les bons et les mauvais s’est affirmée peu à peu avec l’affinement du sens religieux. Envers les Juifs qui vénèrent des dieux étrangers Yahvé-Dieu énonce la sanction: « Je leur cacherai ma face » (Dt. 31, 17). Ceci pourrait signifier qu’ils seront privés de la vision béatifique dans l’au-delà.
Parmi les indices d’un sort différent pour les bons et les mauvais, l’un des plus explicites est donné tardivement (vers 170 av.J.e.) par le prophète Daniel: « Beaucoup de ceux qui dorment dans le sol poussiéreux se réveilleront, ceux-ci pour la vie éternelle, ceux-là pour l’opprobre, pour l’horreur éternelle » (Dn, 12,2). Vers la même époque, le 2e Livre des Maccabées donne, lui-aussi, un enseignement semblable.
Toutefois, les textes de la Bible, donnent peu de précisions. Qui bénéficiera du paradis ? Les Juifs, évidemment On ne parle pas des autres, ni de la nature exacte du corps rendu à la vie. Et l’on sait qu’il y a un enfer appelé la Géhenne.
La littérature juive des premiers siècles de notre ère fait allusion à un retour de l’Éden à la fin des temps, c’est-à-dire à un retour du paradis terrestre, celui-ci se situant en terre d’Israël, – dans le domaine de Sem, près du mont Sinaï et du mont Sion, d’après le Livre des Jubilés (4,26 et 8, 19). n s’agit d’une transformation paradisiaque de la terre d’Israël après la venue du Messie, – et cet Éden serait réservé aux Juifs. Dans le 4e Livre d’Esdras (ch, 7), lors du jugement général qui suivra l’ère messianique, apparaîtra la fosse des supplices, en face de laquelle sera le paradis, afin que les justes puissent contempler les tourments des damnés.
La croyance au paradis futur sur la terre d’Israel n’est pas admise par tous les Juifs. Cer­taines sentences rabbiniques, comme celle de Siphra, manifestent une conception élevée de la béatitude, en insistant surtout sur l’intimité avec Dieu.
Le judaïsme est quand même assez discret sur la vie dans l’au-delà,  en comparaison avec la religion que nous allons aborder maintenant

L’islam.
Mieux que les autres, la religion musulmane donne des renseignements précis sur l’au-delà; les chercheurs n’ont pas à se fatiguer les méninges pour savoir quels plaisirs les attendent près d’Allah ou quels supplices les guettent en enfer: tout est écrit dans le Coran.
Et pour les musulmans, le Coran est « la parole même de Dieu », telle que les scribes l’ont notée au fur et à mesure des prédications de Mahomet, entre les années 610 et 632 de notre ère. Plusieurs recensions furent établies. Le troisième calife, Othman ibn Affan, qui régna entre 644 et 656, les unifia et les divisa en sourates (chapitres), elles-mêmes divisées en versets ,d’où les chiffres de référence entre parenthèses ci-après.
La vie future y est décrite dans un paradis, ou Jardin du Délice, pour les Croyants (musulmans) et dans un Enfer pour les Incroyants et les Infidèles. Où se situent-ils?
L’Enfer est situé dans un abîme (sourate 101,6-8) au plus bas degré de la Terre (4, 144 et 95,5). C’est un brasier qui gronde de fureur et mugit (25, 12-13). Quant au Jardin du Délice, il paraît situé au ciel « près du jujubier de la limite » (53, 14-16) ; il a plusieurs portes qui s’ouvrent pour les bienheureux (39, 73).
Les damnés arrivent devant l’Enfer qui bouillonnee et rugit, lançant des étincelles aussi grandes que des bûches (25, 12 et 77,32). Le feu les enveloppera de toute part (7,39 et 18, 28). Ils voudront sortir du feu, mais n’en sortiront point: à eux tourment permanent (5, 40- 41). Ils seront accouplés dans les fers, leurs tuniques seront de goudron et le feu frappera leur visage (14, 49-50), arrachera leurs membres (70,16), brûlera leur chair (74, 29), dévorera même leurs entrailles (104, 7). Ils seront traînés sur la figure (25, 34), attachés à des chaînes (40, 71). Des fouets de fer leur seront destinés; chaque fois qu’ils voudront sortir du feu, ils y seront ramenés (22, 21-22). Ils seront abreuvés d’eau fétide, à petites gorgées; ils auront peine à l’avaler (14,16-17). Il y aura des arbres Zaqqûm croissant au fond de la fournaise (37,61- -65 et 56,52-54): leurs fruits sont des têtes de démons; les réprouvés en mangeront et s’empliront le ventre. Ensuite, ils boiront dessus un mélange d’eau bouillante, puis ils retourneront en vérité à la fournaise (37,65-68).
Voilà des situations bien matérialistes pour un au-delà qui ne l’est peut-être pas. Ces châtiments proviennent d’une mentalité qu’on ne peut éviter de considérer comme ‘barbare » A qui sont-ils destinés ? Aux Infidèles et aux Incroyants, c’est-à-dire à ceux qui ne sont pas musulmans. J’en suis. Et beaucoup d’autres humains le sont aussi sur la planète! Parce qu’ils ne sont pas musulmans ces milliards d’individus sont condamnés aux souffrances infernales décrites dans le Coran? J’en ai eu des cauchemars. On m’a rassuré en me disant que ce sont des images allégoriques. Est -ce bien sûr? C’était le type de croyances sur l’enfer à l’époque de Mahomet. Et, comme le Coran est « la parole même de Dieu », nous sommes bons pour ces supplices. C’est écrit! disent les Croyants du Prophète …
Passons maintenant au Paradis ou » Jardin du Délice ».
Dans des jardins superbes (sourate 88, 10), où coulent des ruisseaux (10, 9); sous des ombrages (4, 58-60), les Croyants seront honorés sur des lits se faisant face (37, 42-44). On leur fera circuler des coupes d’une boisson limpide, claire, volupté pour les buveurs (37, 44-46); ils recevront leur nourriture matin et soir (19, 62-63), les fruits et la viande qu’ils désirent (52 ,22). Allah leur dira: « Mangez et buvez en paix en récompense de ce que vous avez fait »( 52, 19). Près d’eux seront des vierges aux regards modestes, aux yeux grands et beaux et qui seront comme perles cachées (37, 47-49), des vierges aux seins formés, d’une égale jeunesse.

Il n’est pas question de dénigrer le paradis musulman, mais seulement de constater qu’il a été conçu par et pour des hommes. A eux la bonne chère, les lits de plaisir, les jolies vierges les houris parfaites et la belle vie ! Le sort des femmes est d’être là pour les servir, satisfaire à leurs pulsions et, en attendant, elles sont « cloîtrées dans des pavillons » (55, 72). Pourquoi les femmes n’auraient- elles pas droit à un bonheur égal à celui des hommes? Peut-on concevoir que notre Créateur soit misogyne?
Ce paradis devait être très séduisant pour les hommes, pour les guerriers qui allaient, à partir de l’Hégire, en 622, risquer leur vie pour répandre la foi en Mahomet, Ce fut (et c’est .encore) un ressort puissant pour l’expansion de l’islam. L’au-delà, à la différence d’autres religions, est ainsi présenté sous un aspect concret, attirant, compréhensible même pour l’’homme inculte, habitué aux privations et à la soif dans le désert.
Longtemps après la rédaction du Coran, des penseurs musulmans, doués d’un peu plus d’esprit critique et de pensées plus élevées, tel Al-Farabi (mort en 950), al Gazali (mort en 1111), ou Ibn-al-Arabi (mort en 1240), puis les grands mystiques du soufisme, ont davantage mis en relief les jouissances non matérielles de l’au-delà, la vision bienheureuse d’Allah « qui surpasse les plaisirs des sens comme l’océan J’emporte sur une goutte de rosée » (Al-Fârabi).
Ces grands penseurs et mystiques musulmans doivent beaucoup à l’influence de la pensée hellénique, celle de Platon, celle d’Aristote ou celle de Plotin. Ce n’est plus le Coran.

Le christianisme.
Pour ce qui concerne la résurrection des corps, il y a une continuité entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Jésus en parle brièvement comme d’une chose acquise, rappelant simplement, lors d’une altercation avec les Sadducéens (Matthieu,XXII, 29-30) que les ressuscités auront bien un corps, mais transfiguré, débarrassé par exemple du fardeau du sexe, et qui leur permettra de vivre « comme des anges dans le ciel ».
Les indications sont rares sur la vie dans l’ au-delà, au point que certains ont nié l’ existence de l’enfer et du paradis. Pour le paradis, cependant, Jésus en affirme lui- même l’existence avant de mourir sur la croix. On sait qu’il fut crucifié entre deux larrons. Ces derniers se moquaient de lui, mais l’un d’eux se reprit, formulant une demande de pardon Jésus le regarda: « En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis » (Luc, XXIII, 43).
La localisation est donnée suivant les expressions en usage: le Ciel, les cieux (Mt, V, 12), ou la Jérusalem céleste (Hébr., XII, 22). On se représente spontanément Dieu comme Celui qui habite « au-dessus » de l’homme (45).
Quant à l’enfer, son existence est affirmée à plusieurs reprises dans l’Évangile et se voit désigné par les mots usuels de l’époque: la géhenne (Marc, IX, 43), le feu éternel (Mt, XXV, 41), la fournaise (Mt, XIII,42) … Le mot éternel peut prêter ici à discussion (46). Toutefois, à la différence de l’enfer juif ou musulman, on ne trouve pas de localisation évoquée ici pour l’enfer. Il est possible qu’existe un feu spirituel tout aussi redoutable qu’un feu matériel. On en a parfois un avant-goût en étant dévoré par le remord, comme le dit Dostoïewski dans Crime et châtiment: « Ce n’est pas la vieille que j’ai tuée, c’est moi-même ».
Remarquons aussi dans les textes une expression qui tend à supplanter les usuels géhenne.feu.fournaise … Il s’agit de ténèbres et ténèbres extérieurs:  »Les méchants seront rejetés dans les ténèbres extérieurs ». L’expression est surtout familière à Matthieu (VIII.12 ; XXII.13 ; XXV, 30). De son côté, Luc fait allusion à ceux qui demeurent « dans les ténèbres et l’ombre de la mort » (I, 79); il cite « le pouvoir des Ténèbres » (XXII, 53). Les actions inspirées par les puissances des ténèbres sont appelées par Paul les œuvres des ténèbres (Éphésiens, V, Il ; Romains, XIII, 12). Satan, inspirateur de ces œuvres peut figurer comme prince des ténèbres (Eph. VI, 12 ). Et le même Paul rend grâce à Dieu, qui « nous fait partager le sort des saints dans la lumière, en nous délivrant de la puissance des ténèbres »(Colossiens, I, 12-13).
L’un des aspects de l’enfer consisterait donc dans l’éloignement de L’Être de lumière.
L’expression Ténèbres extérieurs devient compréhensible: extérieurs à quoi? A la partie de l’au-delà illuminée par l’Être,- sans doute ce que les rescapés appellent les « sphères blanches » ou « sphères de lumière », par opposition aux « sphères sombres » ou « sphères basses ».
L’évangile ne localise ni le paradis, ni l’enfer, mais pour l’enfer on trouve une expression curieuse dans l’Épitre aux Éphésiens. Paul encourage à lutter « contre les esprits du mal qui habitent les espaces célestes » (Eph.VI, 12). Les sphères ténébreuses pourraient donc être les « sphères sombres » traversées par les rescapés cités précédemment. En tout état de cause, il faut abandonner la croyance- presque préhistorique- situant l’enfer dans un abîme terrestre. L’enfer serait plutôt autour de la Terre qu’à l’intérieur d’elle.
D’autre part, le Dieu des chrétiens est identifié à un être de lumière. C’est surtout visible dans l’évangile de Jean et dans le Credo officialisé en l’an 325: parlant de Jésus-Christ, il précise qu’il est « Dieu, né de Dieu; lumière, née de la lumière ». Et, dans l’ au-delà, cet Être communiquera aux justes la splendeur de sa luminosité (Matthieu, XIII, 43)
L’apôtre Paul ajoute dans son Épitre aux Philippiens (Ill, 21): « Le Christ transformera notre corps de misère pour le conformer à son corps de gloire, avec cette force qu’il a de pouvoir même se soumettre toutes choses ». De là est venue l’expression de corps glorieux, donnée à notre corps (énergétique) remis en lumière par la puissance d’amour de Dieu.
Être de lumière, ce Dieu apparaît également – à la lecture des textes évangéliques- comme un Être qui aime infiniment ses créatures, tout en respectant leur liberté. Il s’identifie au père de « l’enfant prodigue » (Luc, XV, 11-32), respecte son désir de recevoir sa part d’héritage et de partir au loin. Le fils dépense tout avec des prostituées. Le père est dans la tristesse,mais il espère toujours le retour de ce fils – auquel il est prêt à pardonner ..
A côté, la parabole de la brebis perdue et retrouvée (Luc, XV, 4-7) révèle aussi qu’il’conti nue à aimer ceux qui s’écartent de son plan d’amour et qu’il déborde de joie lorsqu’ils y reviennent. Et, si cet Être est amour depuis l’éternité, on pourrait comprendre qu’il soit un en trois personnes, car pour aimer il faut: être au moins deux.

A qui est réservé le paradis
Le judaïsme parle d’un paradis destiné aux Juifs et l’islam d’un Jardin du Délice réservé aux Croyants musulmans. Il faut avouer que c’est un peu restrictif vis à vis des milliards d’êtres humains qui auront vécu sur la Terre sans avoir été ni juifs, ni musulmans? Si l’être de lumière, avec lequel les rescapés de comas prolongés sont entrés en contact, les a enveloppés d’amour sans distinction de religion, n’y a-t-il pas là une contradiction?
A qui est ouvert le paradis évoqué par l’Évangile ? Particulièrement significatif est à ce sujet l’évangile de Saint Matthieu, au chapitre 25. Ne soyons pas choqués d’y être comparés à des boucs et à des brebis. C’était une image très parlante pour les populations de la Palestine au début de notre ère .La nouvelle traduction œcuménique (TOB) a mis des chèvres à la place des boucs, c’est peut-être plus flatteur pour les gens de la gauche (celle qui va être décrite), mais le résultat est le même. Voici donc ce texte connu du Jugement dernier, montrant à la fin des temps toutes les nations rassemblées devant le Christ. Les justes (les brebis) seront à sa droite, les mauvais (les boucs) à sa gauche; il dira aux premiers:

.,. Venez, les bénis de mon Père, recevez en partage le Royaume qui vous a été préparé depui la fondation du monde. Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire; j’étais un étranger et vous m’avez accueilli; nu, et vous m’avez vêtu,’ malade, et vous m’avez visité; en prison, et vous êtes venus à moi.
Alors les justes lui répondront: .. Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de désaltérer, étranger et de t’accueillir, nu et de te vêtir, malade ou prisonnier et de venir à toi? » Et le roi leur fera cette réponse: .. En vérité, je vous le déclare, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits, qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ».  
Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche: « Allez loin de moi, maudits, dans le feu éter­nel qui a été préparé pour le diable et ses anges. Car j’ai eu faim et vous ne m’avez pas donné à manger; j’ai eu soif et vous ne m’avez pas donné à boire; j’étais un étranger et vous ne m’avez pas accueilli; nu, et vous ne m’avez pas vêtu; malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité ». Alors, eux-aussi demanderont à leur tour: « Seigneur, quand nous est -il arrivé de te voir affamé ou assoiffé, étranger ou nu, malade ou prisonnier, sans venir t’assister ? »
Alors il leur répondra: « En vérité, je vous le dis, chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, à moi non plus vous ne l’avez pas fait ». Et ils s’en iront, ceux-ci à une peine éternelle, et les justes à une vie éternelle » (Mt, XXV, 31- 46).

Pour essayer de comprendre le texte.
Au contraire d’autres religions, l’accès au Paradis n’est donc pas conditionné par le christianisme à appartenance à une religion, à une race ou à une idéologie .. il l’est essentiellement à la pratique de la bonté, à l’exercice de l’amour gratuit et fraternel envers nos semblables, tandis que le rejet dans les ténèbres est fonction de ce refus d’amour.
Toutefois, remarquent certains théologiens, le texte qui vient d’être cité « ne veut pas nous dire qu’il faut « acheter notre ciel », voire le marchander par de « bonnes actions ». Le salut est « un don de Dieu »: nous ne pouvons pas nous sauver tout seuls. Mais,en même temps le texte veut souligner que la justice de Dieu ne confond pas les opprimés et les oppresseurs. Prenons aussi le temps de méditer les curieuses interrogations posées par L’Être de lumière aux comateux arrivés devant lui: « Montre-moi ce que tu as fait de ta vie », ou « As-tu vraiment aimé gratuitement ton prochain ? »( 47).
Voilà des questions qui risquent fort de nous être posées à nous aussi, un jour ou l’autre, à un moment imprévu … Prenons-le avec optimisme, car cet « être de lumière » se révèle plein d’amour et de pardon.