5 Une question « d’actualité», la réincarnation.

Croyance orientale, la réincarnation devient croyance européenne. Un sondage a révélé qu’environ 21 % des européens, dont 23% des chrétiens croient en la réincarnation. De quoi s’agit-il? Étymologiquement, il s’agit d’une nouvelle incarnation: lorsqu’on meurt, notre âme passerait dans un nouveau corps ou dans un nouvel embryon.
Pour beaucoup, cette croyance aurait l’avantage d’évacuer l’angoisse de la mort: on ne meurt pas vraiment. Pour d’autres, la réincarnation montre le type de vie que nous mènerons après la mort, tandis que dans l’optique chrétienne par exemple, on arrive difficilement à imaginer ce que nous ferons dans l’au-delà; les prêtres et les pasteurs n’en parlent guère. Là, au contraire, nous pourrons jouir des activités et des types de consommation que nous connaissons; ce n’est plus de l’inconnu, l’angoisse s’en va. .
Comment se réincarne- t-on ? Les européens ne suivent pas forcément les croyances originales voulues par les religions orientales, où l’individu mourant, coupable dans sa vie d’actes mauvais, peut être  réincarné dans le corps d’une brute, d’un bovin, d’un porc, d’un serpent ou d’un animale encore moins appétissant, si la somme des actes mauvais est trop élevée. C’est ce qu’on appelle la loi du karma.
Pour étayer ces affirmations, on nage souvent dans des idées toutes faites. Cherchons cependant s’il n’existerait pas quelques données scientifiques susceptibles de, nous éclairer sur la question, même s’il s’agit pour nous de la réincarnation la moins invraisemblable, celle de la réincarnation en un être humain.

Tous les corps humains sont différents  
Il a été révélé au début de cet ouvrage que notre corps physique (ou biologique) possède une sorte de moule électro-énergétique, qui est l’enveloppe invisible de notre moi-pensant et l’accompagne dans ses projections vers l’au-delà. Ceci pose un petit problème en cas de réincarnations multiples. Et nos deux corps ne sont pas indépendants l’un de l’autre, comme un ouvrier l’est de sa machine. Ils s’interpénètrent, grandissent ensemble, agissent l’un sur l’autre. On voit mal comment ils pourraient être interchangeables avec d’autres, étrangers à eux. En effet, tous les corps humains sont différents, à la fois par leur origine (chromosomes, hérédité) et par leur manière de croître, Jules Carlès, directeur de recherches CNRS, écrit: ... Du point de vue héréditaire, étant donné le nombre de chromosomes et leur diversité, il est pratiquement impossible qu’existent deux individus identiques. Nous sommes tous des êtres uniques, à tel point qu’il est impossible qu’ait jamais existé un homme tel que moi sur la Terre. Une seule exception à cette règle est l’accident qui peut se produire au moment de la formation de l’embryon et qui fait apparaître de vrais jumeaux (26).

Toutefois, au cours de leur vie, les jumeaux eux-mêmes se différencient par leur évolution propre et leurs aptitudes physiques ou intellectuelles. Les différences s’accentuent avec l’âge. Les médecins et les psychiatres constatent que notre vie intérieure, notre intellect, y compris notre mémoire, sont en partie conditionnés par notre corps biologique et notre santé. Inversement, notre activité physique et intellectuelle (ou spirituelle) agissent sur l’évolution de notre corps.
Prenons l’exemple d’un enfant qui veut devenir un champion. Il développera de préférence ses muscles et son corps, ne consacrant pas la même énergie pour le développement intellectuel. A l’inverse, l’enfant qui veut devenir un savant, donnera moins de temps et d’énergie au développement musculaire. Notre âme dirige ainsi un programme d’action et construit notre corps en fonction de ce programme, jour par jour, depuis notre enfance. Notre âme agit sur notre corps et le corps agit sur elle. Ils grandissent ensemble et sont incomplets l’un sans l’autre.

Dans ce contexte, la réincarnation est-elle possible ?
Il est donc difficilement concevable qu’une âme puisse se réincarner dans un corps qui lui est étranger. Quitte à vexer nos amis, il faut préférer la vérité. Je viens d’essayer de la présenter d’une façon accessible à tous. Pour une démonstration plus savante, on peut se reporter à l’ouvrage intitulé L’ Au-delà, dû à un universitaire français, François Grégoire (1977).
Dans le dernier chapitre de ce livre l’auteur parle de la contribution de Bergson au problème de la Mémoire – « contribution que l’on peut considérer comme scientifique étant donnée la nature expérimentale de l’enquête sur laquelle elle s’est appuyée« , écrit-il- en ajoutant que de ces enquêtes se déduit la notion d’une indépendance de la conscience par rapport au corps et à sa destruction physiologique. Puis il arrive à ces lignes qu’il faut citer:
Ces considérations nous semblent suffisantes pour rejeter l’affirmation sans nuance d’un anéantissement total de la personnalité humaine après la mort. Par ailleurs, la Psychologie moderne (spécialement sous sa forme « phénoménologique ») tend, elle, à montrer l’invraisemblance du principe de la « transmigration », tel qu’il apparaît par exemple dans les croyances de l’Inde; car même si l’on n’accepte pas totalement les conclusions de l’école husserlienne, il faut bien reconnaître qu’elle a détruit le mythe d’une conscience substantielle « contenue » dans un organisme, et montré que dans une incontestable mesure l’activité psychique (et, par exemple, ce que les anciens psychologues croyaient être des « images » mnémiques stables) est intentionnelle, fonction de l’attitude et du comportement; organique de l’individu à l’égard du monde extérieur …
… Ce qui empêche radicalement de concevoir que des organisations physiologiques différentes (oiseau, plante, homme A, homme B, etc.), puissent être les réceptacles d’une même personnalité, d’un même « moi » capable – comme prétendent le faire les sages bouddhistes – d’évoquer des souvenirs de vies antérieures qui seraient encore les siens (21).

Les lois et les règles souffrent parfois d’exceptions.
La réincarnation ne peut donc être vue comme une loi générale du réel. Toutefois, dans les sciences humaines, l’expérience montre souvent qu’il faut se garder d’affirmations trop tranchées. Si l’on croie en Dieu, on admet qu’il peut tout. Bien sûr, il respecte infiniment notre liberté, mais n’est-il pas aussi par définition infiniment miséricordieux? Pourquoi alors ne permettrait-il pas exceptionnellement à des individus qui ont raté leur vie ou commis quelque crime de se réincarner pour essayer de se réévaluer ?
Ceci pourrait expliquer de curieux cas cités par ceux qui croient en la réincarnation, mais il n’est pas concevable scientifiquement qu’elle soit une loi générale du réel. Sinon, il faudrait par ailleurs admettre que les gens qui nous entourent sont pour la plupart d’anciens criminels ou des bandits réincarnés en attente de délivrance. Leur situation est même pire que pour ces derniers, car eux connaissent le crime qu’ils expient, tandis que le soi-disant réincarné ignore pourquoi il souffre sur la terre. Tout ceci ne paraît pas très conforme à une idée de justice.

Un jeu de loterie abracadabrant.
A ces bizarreries s’ajoute une sorte de jeu de loterie déroutant dans le choix de l’embryon humain où l’âme se réincarne. Napoléon déclarait à ses intimes qu’il avait été Charlemagne dans une vie antérieure. Pauvre Charlemagne! Que de réincarnations dut-il subir! Ces multiples réincarnations au cours des siècles peuvent être pires qu’un « purgatoire »!
Guère plus modeste, Adolf Hitler disait être la réincarnation de Frédéric Ier Barberousse. Ce duc de Souabe (1122-1190), devenu empereur germanique en 1152, avait eu l’idée d’un Grand Reich, et n’avait pu la réaliser. Il avait pensé, en effet, à un royaume allemand s’étendant sur une grande partie de l’Europe,- ce qu’ambitionnait Hitler.
Si pour une fois Hitler ne mentait pas, il faudrait admettre qu’entre 1190 et 1889 (date de naissance du quidam), le malheureux Frédéric, arrivant peut-être vers le terme de ses réincarnations, a tiré un bien mauvais numéro de loterie en choisissant de se réincarner dans l’embryon porté par une brave autrichienne qui rêvait d’avoir un petit garçon prénommé Adolf.
Les Hindous croient à la possibilité de millions de vies réincarnées avant de parvenir à la délivrance du Nirvana. Étant donné la somme de crimes et de souffrances provoqués par la mégalomanie et la cruauté de Hitler, on pourrait admettre ce gros chiffre. Ce qui reste évidemment le plus invraisemblable dans cette théorie, c’est l’incertitude du devenir du sujet sur lequel on se réincarne. Ceci évoque Un peu un jeu de loterie. Y a-t-il là une vraie justice?
En somme, l’idée de réincarnation se heurte à bien des extravagances. Il est permis de se demander si les cas avancés comme « preuves » de la réincarnation ne seraient pas explicables par d’autres phénomènes, comme la télépathie, la transmission de pensée, la mediummité, ou tout simplement la projection hors du corps dont il a été question. Ceux qui se projettent ainsi laissent une place vide, que peuvent venir occuper des entités désincarnées à l’affut, parfois « sataniques ». C’est ce qu’on appelle les phénomènes de « possession ». Ils ne sont pas un mythe; ils sont attestés par de nombreux témoignages (28).
Cependant, peut-on répliquer, des expériences, devenues très à la mode aux États-Unis, paraissent bien prouver la réincarnation. Il s’agit des voyages ou régressions dans les vies antérieures. Il faut en donner un aperçu.

Voyages dans les vies antérieures
On vous installe dans un confortable fauteuil-relax et vous vous laissez endormir sous hypnose. Le « thérapeute » vous pose quelques questions bien choisies et vous voilà parti en train de décrire une vie antérieure – avec des détails si réalistes que vous donnez vraiment l’impression de l’avoir vécue !
Ces expériences sont effectuées, en principe, dans un but thérapeutique, par exemple pour guérir un patient d’une phobie ou d’une obsession aux racines anciennes. L’une des publications les plus intéressantes et les plus sérieuses sur la question est celle du Dr Moody – encore lui – intitulée sous son titre original Life before Life (1990) et, dans sa traduction française: Voyages dans les vies antérieures. Une autre thérapie: le retour dans le passé par l’hypnose – sous-titre figurant seulement sur la couverture du livre (R.Laffont, 1990).

L’ouvrage cite une quarantaine de régressions en des vies antérieures. La plupart sont curieuses et troublantes. On observe aussi dans leur commentaire l’attitude prudente de l’auteur et celle de son collaborateur (Paul Perry): ils font « le tour de la question » avant de conclure trop vite à ce qui paraîtrait s’imposer au premier abord.
Einstein disait que nous n’utilisons notre cerveau que dans une proportion limitée, – pas plus de 40 % selon certaines estimations; les 60 % restant représentent une fonction mystérieuse de cet organe. Les mécanismes de l’inconscient sont loin d’être bien connus. Pour certains psychiatres l’esprit crée des scénarios – à l’aide d’images emmagasinées au cours des ans – et ces scénarios surgissent dans l’inconscient pour aider à affronter des situations.
L’ouvrage en cite des exemples, ainsi celui d’un nommé Ted, habitant d’une petite ville du Sud (des États-Unis). Dans une régression sous hypnose il fut surpris d’obtenir une plongée très vivante dans une autre vie, où il faisait partie d’une ancienne tribu indienne du Sud-ouest. Il marchait dans son village indien. Il y avait des bâtiments ronds, lieux de culte avec des fenêtres placées de telle sorte que les rayons du soleil y entraient en symboles majestueux Des habitations étaient autour. Pour l’une d’elles, on s’accroupissait pour entrer dans une pièce. Jeune indien, il savait que c’était son foyer; il vivait là. Puis il grimpait sur un monticule au milieu du village et regardait les montagnes au loin. Il savait avoir vécu cela.
Stupéfaction! Il découvrit l’origine de cette vie antérieure .Citons le texte:
« Un jour où il était allé chez ses parents, sa mère voulut revoir quelques-uns des vieux films familiaux qu’elle avait retrouvés dans un débarras.
Quand toute la famille fut installée pour revoir les vieux 8 mm tout rayés, Ted découvrit qu’il regardait le film de sa régression! Il s’était simplement souvenu d’un film pris dans les ruines d’un site indien lors d’un voyage en voiture quand il était encore petit.
« Tout y était. La pièce ronde destinée aux cérémonies religieuses, l’habitation, les montagnes dans le lointain, tout était comme je l’avais vu. » (29).

Les régressions dans les vies antérieures ne peuvent donc être tenues pour des « preuves » de l’existence de ces vies. Les scientifiques ont des raisons d’être sceptiques en ce qui concerne la réincarnation. Les voyages dans ces » vies antérieures » nous aident à nous brancher sur un vaste réservoir d’images et de connaissances que nous possédons sans nous en rendre compte dans notre inconscient, – comme Einstein le suggérait.

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